La semaine dernière j’ai été invitée à déjeuner dans la « Zone Interdite » de Paris et voici ce que j’ai tiré du fait de m’y sentir comme une étrangère, voire un marginale.

Mon Expérience de Marginale

Me voilà en train d’attendre devant un complexe de HLM au milieu de Saint Denis, la banlieue parisienne où Jawad Bendaoud a hébergé les terroristes qui ont pris d’assaut le Bataclan le 13 novembre 2015, des attaquants qui ont tué 130 fans de musique et blessé 413 autres personnes.

EQUIPER DES DELINQUANTS MINEURS POUR QU’ILS CONTRIBUENT POSITIVEMENT

J’ai été invitée à déjeuner au restaurant Taf & Maffé pour me joindre au sept jeunes en détention pour mineurs que je formais aux compétences sociales. Le département de justice de la ville m’embauche pour donner à des jeunes récalcitrants des outils pour leur permettre de contribuer positivement à la société. J’aime ces sessions d’échange authentique où je grandis autant, voire plus, qu’eux. Ce déjeuner m’a ouvert les yeux et j’ai eu comme une révélation.

UNE ETRANGERE BLANCHE, ANGLO-SAXONNE ET ROUSSE

En tant que femme blanche, grande, avec des cheveux roux flamboyants hérissés, il n’est pas rare que l’on me remarque dans une foule. Ici, entourée d’hommes originaires d’Afrique et du Moyen-Orient, certains vêtus de tuniques et de kufis (chapeau de prière), je ne paraissais clairement pas à ma place.

Je me sentais également déplacée. Je n’avais pas de repère. Je me considère comme une personne ouverte d’esprit et je pensais que je n’avais pas d’attente particulière. Pourtant, une fois en territoire inconnu, je me suis rendue compte que je cherchais des signes familiers. En particulier, j’essayais de trouver l’enseigne accueillante d’un restaurant et un menu clairement affiché pour m’attirer à l’intérieur. Il n’y avait rien de tout ça. Simplement un immeuble et des hommes. (J’ai vu deux femmes voilées, toutes les deux en train de faire le manche).

welcoming restaurant from outsider view
Mon attente peu réaliste

Un homme portant une tunique m’a indiqué l’intérieur de l’ensemble résidentiel et je suis entrée.

« MOSQUEE » D’EXTERIEUR

Une fois l’entrée passée, dans la cour du bâtiment, il y avait une véritable mosaïque de tapis colorés. Je n’avais pas réalisé que nous étions vendredi et que, pour les musulmans de Saint Denis, le moment de la prière commençait à 13h48. Il n’y avait pas assez de place à la mosquée donc « l’auberge » libérait de la place pour les croyants.

L’homme m’a indiqué d’aller un peu plus loin dans le couloir et je suis entrée dans une grande salle qui contenait des tables et des chaises ainsi que des personnes qui servaient de la nourriture depuis des marmites. Des regards interrogateurs se tournaient vers moi alors que j’examinais la pièce, je remarquais l’activité qui battait son plein et les chaises occupées. On ne m’attendait pas non plus ici, si bien que je suis restée à l’extérieur le temps que mon groupe me rejoigne.

Les jeunes ont fini par arriver et notre groupe a continué d’attendre (!), concentré sur le petit segment du passage réchauffé par le soleil. J’étais de plus en plus confuse, mais comme les jeunes étaient toujours calmes malgré un appétit grandissant, je suis aussi restée relativement détendue.

Notre salle à manger était en train d’être préparée.

LE REPAS EST SERVI

On nous a fait entrer dans une pièce de 20m² qui sert de bureau à une association en charge de l’intégration de réfugiés en France. Ils avaient mis les imprimantes et les photocopieuses sur le côté, empilé leurs papiers et déplacé les bureaux pour former une seule grande table. Encore une fois, je n’étais pas venue avec des attentes établies mais j’ai découvert que ce n’était pas ce que j’avais anticipé. Rétrospectivement, je me suis rendue compte que je m’attendais à un « Chez Samir », une sorte de version exotique de « Chez Sylvie ».

On a dégusté un repas savoureux, rassasiant et exotique, composé de jus de bissap (hibiscus), de poulet maffé (comme une paella africaine), de sauce chili bien piquante, et de dégué (un pudding de millet, aromatisé à la fleur d’oranger).

Même alors que tout le monde avait terminé de manger, nous n’avons pas bougé. Puisque j’animais la formation de l’après-midi, je devais respecter un timing précis. Pourtant, en tant qu’invitée, j’ai laissé les organisateurs gérer le rythme et ai décidé de ne pas chercher à tout contrôler, mais plutôt à apprécier leur compagnie et le moment présent.

ATTENDRE. PAS MON PROGRAMME. LE LEUR.

Puis une dizaine d’entre nous, peut-être même plus, ont été dirigés vers la porte, toujours sans aucun signe de mouvement, bercés par des bavardages. Enfin un des jeunes a dit « C’est l’heure ».

Pendant que nous mangions, la cour s’était remplie d’hommes venus pour la prière du midi. Le temps de la prière étant désormais fini, nous pouvions ouvrir les portes.

Nous avons rejoint la foule des croyants alors qu’ils sortaient dans la rue et retournaient à leurs activités.

J’ai beaucoup appris de ce moment où je me suis sentie comme une marginale.

Mes Leçons Tirées du Fait d’Avoir Eté une Marginale

OUVERTURE D’ESPRIT

J’ai (de nouveau) appris que l’ouverture d’esprit n’est pas un état que l’on atteint. C’est un voyage… qui va toujours plus loin.

En tant qu’Américaine blanche protestante mariée à un Français athéiste originaire des Antilles, je me considère comme ouverte d’esprit. Notre mariage n’aurait pas duré 27 ans si nous n’avions pas chacun fait d’importantes concessions pour et à l’autre.

Pourtant, un esprit ouvert ne peut pas être gagné et porté comme un badge de Scout que tout le monde peut admirer. Alors que je prenais conscience de ma surprise face à cet environnement inconnu, j’ai découvert des chemins d’ouverture d’esprit encore jamais empruntés et je suis parvenue à m’y avancée encore un peu plus loin.

BIAIS INCONSCIENTS

Il y a dix ans, peu de gens connaissaient les biais inconscients. Désormais, « les biais inconscients » est un terme que l’on entend beaucoup et que l’on comprend parfois.

Unconscious bias. Lots of outsiders
La croissance de la sensibilisation aux biais inconscients depuis 15 ans

Voici comment l’Université de Californie, San Francisco le définit.

« Les biais inconscients sont des stéréotypes sociaux qui concernent certains groupes de personnes que les individus forment en dehors de leur propre sensibilisation consciente. Tout le monde présente des croyances inconscientes au sujet de divers groupes sociaux et identitaires, et ces biais sont issus de notre tendance à organiser les mondes sociaux par catégorie.

Les biais inconscients sont bien plus fréquents que les préjugés délibérés et sont souvent incompatibles avec les valeurs choisies par une personne. Certains scénarios peuvent déclencher des attitudes et des croyances inconscientes. Par exemple, il se peut que les biais soient plus fréquents lorsque l’on fait plusieurs choses en même temps ou lorsque l’on travaille dans des délais serrés. »

Je le confesse, je pensais que je travaillais et que je déterrais (c’est-à-dire que j’éliminais) mes biais inconscients plutôt bien. Pourtant, lors de ma visite à Saint Denis, un quartier proche de chez moi géographiquement mais culturellement bien loin de ma norme, je n’ai cessé de me heurter à mes postulats.

Je m’attendais à ce que les restaurants aient des enseignes extérieures et à ce que les bâtiments accueillent des résidents, et non des croyants.

Globalement, e me suis rendue compte que nous (vous et moi incluse) avions un biais étrange qui consiste à penser que nous ne sommes pas biaisés ! Lol

EMPATHIE

Le meilleur moyen de gagner en empathie est de sortir de notre zone de confort.

L’empathie authentique vient du cœur. C’est du vécu. Ce n’est pas une pensée intellectualisée.

Seule sur le trottoir, je me suis sentie fragile, perdue sans mes repères. Prendre des initiatives demandait des efforts et semblait risqué. Alors que d’habitude je suis proactive, là j’ai attendu que les autres fassent le premier pas.

J’ai aperçu ce que ça faisait d’être exclue.

Dans le passé, face à la lenteur, la réactivité ou le manque de confiance en eux des autres, je répondais par « Allez. Passe à autre chose. ». Grâce à mon travail en collaboration constructive, j’ai appris à remplacer le jugement par des encouragements.

Je n’avais pas besoin de conseils à ce coin de rue. J’avais besoin que l’on m’infuse du courage et d’une présence bienveillante pour me donner de la force.

Des Formations Transformatrices

A Saint Denis, j’ai été embauchée pour ouvrir les yeux, les esprits, et même les cœurs de ces jeunes. A travers la formation d’un savoir-être et la construction de leur conscience de soi et des autres, nous avons créé du lien de manière constructive. Voici ce qu’ils ont répondu à la question « Avec quoi vous repartez ? » :

  • L’espoir
  • La motivation de trouver un travail
  • La confiance en soi

Ces jeunes ont également ouvert mes yeux, mon esprit et mon cœur. C’est ce que aime avec nos ateliers sur les outils de collaboration constructive. Au travers de jeux de rôle et d’activités de groupe, on crée un environnement sûr qui permet aux novices de sortir de leur zone de confort. Ils sont libres de rire d’eux-mêmes, de découvrir de nouvelles idées et de choisir comment et à quel point ils veulent progresser.

POUR VOTRE EQUIPE AUSSI

Apprenez-en plus sur ces formations pour dégager les meilleures performance et collaboration possibles au sein de vos équipes. Nous définissons notre programme de formation selon les besoins de votre organisation.

Cherchez-vous à instaurer une culture plus inclusive ? Nous aidons à construire la conscience de soi, l’empathie, et la confiance, qui sont les piliers pour développer un sentiment d’appartenance et de contribution.

Votre succès dépend de vos capacités à négocier ? Nous vous aidons, vous et votre équipe, à comprendre les perspectives d’autrui et à équilibrer les avantages de court et de long-terme pour que vous puissiez négocier des résultats créatifs, qui bénéficient à toutes les parties.

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Photo de couverture du site The Great Courses Daily
Photo du restaurant Chez Sylvain & Sylvie près de Bordeaux

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